BLINDSPOTTING

PRIX DE LA CRITIQUE • FESTIVAL DU FILM AMÉRICAIN DE DEAUVILLE 2018

Blindspotting est un film criant de vérité, et pour cause : ses deux acteurs principaux en sont aussi les scénaristes et ils l'ont écrit en s'inspirant de leur vie, de leur amitié et de leur ville, Oakland. À partir de leur trajectoire, ils ont imaginé l'histoire de Collin, qui purge ses trois derniers jours de liberté conditionnelle après avoir été emprisonné pour une bagarre violente. 72h à tenir, à suivre les règles, à respecter le couvre-feu et à travailler dur pour l'entreprise de déménagement dans laquelle il fait équipe avec son pote d'enfance Miles. Tous deux sillonnent les rues d'Oakland en pleine mutation, Collin faisant de son mieux pour rester loin des problèmes que Miles a une fâcheuse tendance à attirer... Un soir, Collin assiste au meurtre d'un jeune noir par un policier blanc. Cette bavure agit sur lui comme un électrochoc qui va l'obliger à se remettre en question pour prendre un nouveau départ.

Autour du cas de conscience de son personnage, Carlos Lopez Estrada construit un film en forme d'état des lieux : celui d'une jeunesse en perte de repères, devant composer avec un avenir en forme d'impasse, et celui d'une ville dont la gentrification – voire la « hipsterisation » – exponentielle exacerbe les tensions communautaires. Il décrit avec justesse une situation qui semble en permanence au bord de l'explosion, gangrenée par la peur et les crispations. Nonobstant la profondeur et la richesse des sujets qu'il aborde, Blindspotting reste un film rythmé et même enjoué, inventif et souvent drôle : une dénonciation habile des travers de l'Amérique actuelle autant qu'un manifeste sans angélisme en faveur du vivre ensemble.