CE QU'IL RESTE DE LA FOLIE
Du 22/06/2016 au 05/07/2016
C’est à l’hôpital psychiatrique de Thiaroye, dans la proche banlieue de Dakar, que nous introduit la caméra de Joris Lachaise, en compagnie de l’écrivaine et cinéaste Khady Sylla qui y a été internée à plusieurs reprises. Khady Sylla y retrouve son médecin traitant et des patients familiers avec qui elle échange sur la délicate question des méthodes thérapeutiques, et de leur lien avec le colonialisme. À travers son expérience vécue de la maladie mentale et de ses traitements, le film cherche à explorer une histoire récente du Sénégal : l’indépendance du pays et la décolonisation de la psychiatrie.
« Récemment, tandis que je filmais à Bamako au moment de la célébration du cinquantenaire de l’indépendance, je voyais dans ma rue les allers et venues de patients sous neuroleptiques. Ils revenaient d’un dispensaire pour malades mentaux. Je me suis alors interrogé sur la façon dont l’institution psychiatrique occidentale avait dû imposer sa grille de lecture en Afrique. Si Les Maîtres Fous [documentaire ethnographique de Jean Rouch, N.D.U.] avait l’ambition de montrer comment la transe des haoukas pouvait être un moyen clandestin d’échapper à la folie de la société industrielle, il laissait ouverte la question de savoir comment la société coloniale en question traitait ce qu’elle devait elle-même qualifier de “folie”. Ce qui m’a conduit directement à Dakar fut d’apprendre que le premier département de psychiatrie du pays avait été créé en 1958 par Henri Collomb, un neuropsychiatre à l’attitude critique et, dit-on, révolutionnaire. J’ai alors été frappé par un enchaînement de “coïncidences” historiques. Par le fait, notamment, qu’à la même époque, le Sénégal préparait son indépendance, tandis qu’en Europe des expérimentations cliniques telles que celle de Laborde faisaient voler en éclats les cloisons de l’institution psychiatrique. Je voulais tenter de saisir ce qu’il pouvait rester de cette extraordinaire conjoncture émancipatrice. » (Joris Lachaise)