INTERDIT AUX MOINS DE 12 ANS

Les motifs et les images du cinéma d’exploitation ou de la série B d’hier constituent aujourd’hui, pour certains réalisateurs, le carburant de films exprimant une vision toute personnelle, entre ironie et expérimentation narrative. Peter Strickland est ainsi l’auteur d’une œuvre hybride, nourrie d’influences exogènes voire impures, mêlant la stimulation à l’abstraction avec des titres comme Berberian sound studio ou The Duke of Burgundy.

Le récit d'In fabric est tout entier construit autour d’une robe rouge inquiétante et indestructible, qui portera malheur à ceux qui l’acquièrent : Sheila, une employée de banque divorcée à la recherche de l’âme sœur, puis Reg Speaks, un plombier timide humilié par ses collègues et en passe de se marier avec la fille de l’un de ses camarades de travail. La circulation d’un objet maléfique est une constante d’un certain art fantastique et philosophique, un motif parfois utilisé par le cinéma d’épouvante. Strickland choisit cependant une autre voie que celle du simple frisson cinématographique : il s’amuse à mêler diverses sensations, à naturaliser le fantastique tout en stylisant un réalisme familier. In fabric confronte la banalité de certains personnages à la bizarrerie d'autres se comportant de manière étrange et inquiétante – silhouettes venant contrarier la trivialité des situations mises en place. Le film est un voyage intérieur, une hallucination qui ne perd pourtant jamais complètement de vue l’existence concrète et le monde social de ses protagonistes, victimes sacrificielles d’une malédiction à première vue sans cause.

(D'après JF Rauger • Le Monde)