JEANNE

SÉLECTION OFFICIELLE, UN CERTAIN REGARD • FESTIVAL DE CANNES 2019

Il y a deux ans, Jeannette, première partie de l’adaptation de Jeanne d’Arc par Bruno Dumont, consacrée à l’enfance de la bergère de Domrémy, était traitée à la manière d’un opéra-rock mâtiné de farce. Dans ce deuxième volet, le cinéaste à l’univers si singulier revient à une forme d’épure et laisse ici toute sa place au magnifique livret de Charles Péguy. Éternel scrutateur de la part sombre de notre humanité, il y ajoute sa touche personnelle pour apporter au récit quelque chose d’universel et de contemporain.

En grand formaliste fasciné par le sacré, Dumont sublime le texte de l’écrivain par une mise en scène quasi-élégiaque. Les dunes du littoral nordiste battues par les vents servent d’écrin théâtral aux comédiens du cru, tous non professionnels – à l’exception d’une brève et savoureuse apparition de Fabrice Luchini. Un splendide ballet de chevaux filmé du ciel illustre métaphoriquement la bataille livrée aux Anglais. La caméra – au diapason de l’âme pure de la pucelle d’Orléans – s’élève sans cesse vers les nuages et les voûtes de la cathédrale d’Amiens où se tient son procès. Résonnent alors la voix cristalline du chanteur Christophe et les mots de Péguy, procurant aux spectateurs un pur moment de grâce. Et puis il y a Jeanne et sa toute jeune interprète Lise Leplat Prudhomme, déjà à l’affiche de Jeanette. Elle incarne la jeunesse, la beauté et l’innocence face aux contingences du pouvoir politique et spirituel qui la jugent. Elle y est étonnante d’assurance et de maturité : son regard sombre, filmé en gros plan, nous restera longtemps en mémoire.

(D’après Céline Rouden • La Croix)