JOKER
Du 30/10/2019 au 17/02/2020
AU MOINS UNE SÉANCE PAR SEMAINE, LE MERCREDI SOIR
LION D’OR • MOSTRA DE VENISE 2019
N’en déplaise aux pessimistes persuadés que les studios hollywoodiens ont définitivement rendu les armes côté ambition artistique, il est possible de regarder un film centré sur un personnage de comics sans devoir se fader des déluges d’effets spéciaux comme on essaie de noyer une viande avariée sous une sauce épaisse. En ces temps de suites, reboots, spin-off à la pelle avec leurs personnages au kilo, Todd Phillips choisit au contraire de tendre vers l’épure pour revenir à l’essentiel : une histoire implacable servie par une réalisation au cordeau et une interprétation jamais inutilement spectaculaire.
L’ouverture du film donne le La : on y voit Arthur Fleck se maquiller en clown, « métier » qui fait vivoter cet apprenti comédien de stand- up en tenant en pleine rue une pancarte pour attirer le chaland. Devant une glace, il met ses mains sur son visage pour y forcer un sourire. Un sourire pour se donner du courage et affronter l’indifférence de la rue et plus encore la violence : une bande va en effet s’amuser à lui voler sa pancarte avant de le rouer de coups. Ainsi, en quelques scènes, tout est dit : Joker sera un grand film sur l’humiliation, sur l’impunité des plus puissants face aux plus faibles. Jusqu’à ce que la coupe soit pleine et que la révolte surgisse. Brutale. L’action a beau se dérouler dans les années 80, Joker s’inscrit pleinement dans notre époque, celle où peuple et élites (politique, médiatique, économique...) semblent devenus définitivement irréconciliables.
En tension permanente et porté par l’interprétation démente de Joaquin Phoenix, Joker est un immense film d’auteur populaire et politique, aux influences scorsesiennes assumées : un des chocs majeurs de 2019.
(D’après Thierry Cheze • Première)