JULIETA
Du 15/06/2016 au 24/08/2016
d’après Fugitives, recueil de nouvelles d’Alice Munro (Ed. L’Olivier)
Sélection officielle, en compétition
Festival de Cannes 2016
« Merci de ne pas me laisser vieillir seule » : Julieta, la cinquantaine, répète mot pour mot ce que son compagnon vient de lui dire, au milieu des cartons. Ils sont d’accord pour quitter Madrid ensemble, à jamais, et s’établir au Portugal. Mais en un instant, tout bascule : quelqu’un, dans la rue, parle à Julieta de sa fille qu’elle n’a pas vue depuis des années. Elle s’abandonne alors à l’obsession de revoir son enfant, rompt avec son compagnon, se réinstalle seule à Madrid et replonge dans le passé… Les fans du Pedro Almódovar mature (disons depuis Tout sur ma mère) apprécieront cette superbe entrée en matière : après la parenthèse trop légère des Amants passagers, retour à l’intensité romanesque et au portrait de femme, avec la promesse d’une histoire gigogne, mélangeant les époques.
En assemblant plusieurs nouvelles d'Alice Munro, écrivaine canadienne plutôt versée dans l’infime et le quotidien, le maître espagnol construit un récit comme une fuite en avant, mais dans le passé. Si le sentiment de culpabilité est l’inattendue force motrice du film, le vrai sujet de Julieta est le passage du temps, la fugacité des liens, l’évanescence des êtres qui apparaissent puis s’éclipsent de nos vies, parfois sans un mot. Tout dans Julieta raconte que l’existence est une succession de pertes et d’adieux informulés. Récit à tiroirs, avalanche de drames et chronologie sophistiquée : Almodóvar sort le grand jeu pour dire la fragilité des liens entre les êtres, et fascine par cette alchimie entre la noirceur désenchantée du fond et l’éclat rédempteur de la forme.
(D'après Louis Guichard • Télérama)