L'ÉTABLI
Du 05/04/2023 au 09/05/2023
D’après l’ouvrage de Robert Linhart
Quelques mois après Mai 68, l'élan révolutionnaire s'est quelque peu tari. Mais, pour certains, il ne demande qu'à être ravivé. C'est le cas de Robert, normalien et militant d'extrême-gauche. Promis à un poste d'enseignant, il décide de repousser sa nomination pour se faire embaucher, comme d'autres des ses camarades, en tant qu'ouvrier à la chaîne chez Citroën. Cette « infiltration » lui permettra de réveiller de l'intérieur la conscience politique des travailleurs. Les premiers temps sont ceux de l'adaptation. Quittant son cocon bourgeois, Robert découvre la répétitivité des tâches, les cadences insoutenables, le manque de matériel, la fatigue permanente. Surnommé « la momie » par ses collègues, en raison des bandages qui couvrent ses mains lacérées par le travail, il parvient difficilement à conserver son poste. Quand Citroën, pour compenser les accords de Grenelle, exige des ouvriers trois heures supplémentaires de travail par semaine à titre gracieux, Robert entrevoit la possibilité de relancer un mouvement social.
Adapté du récit autobiographique de Robert Linhart, L'établi nous permet de retrouver Mathias Gokalp, plus de dix ans après Rien de personnel. Description très fine – et sensible – du travail et des ouvriers, reconstituant notamment la chaîne de fabrication d'une 2CV, le film interroge aussi l'engagement politique et les contradictions vécues par les « établis ». Portés par la volonté d'être les catalyseurs d'un possible mouvement ouvrier, ils sont également habités par la culpabilité de leur imposture. Loin d'un certain romantisme révolutionnaire, Gokalp pointe les difficultés, les frictions, les paradoxes. S'il désacralise une époque regardée aujourd'hui avec nostalgie, il montre aussi la solidarité comme une force politique. Un rappel nécessaire, aujourd'hui encore.