L'UNE CHANTE, L'AUTRE PAS
Du 26/09/2018 au 16/10/2018
Il en fallait, de l’intelligence et de la sensibilité, pour rendre aussi prégnants les enjeux féministes d’une époque bouillonnante – la deuxième moitié des années 1970 – sans se laisser déborder par le didactisme ou la volonté d’asséner des vérités. C’est le prodige qu’accomplit la grande Agnès Varda avec L’une chante, l’autre pas, chronique de quinze ans d’évolution du droit des femmes. Prodige, car ici le discours politique n’est pas plaqué sur le récit mais chevillé à l’existence des personnages, soudé à leurs émotions et à leur intimité les plus profondes. Afin de témoigner de ces évolutions, le film retrace les parcours croisés de deux jeunes femmes, de l’adolescence à la maturité. « L’une », c’est Pomme, une lycéenne qui rêve de quitter le domicile familial pour devenir chanteuse. Elle prête main-forte à « l’autre », Suzanne, concubine d’un photographe et mère de deux enfants, pour avorter clandestinement d’un troisième non désiré...
Agnès Varda déploie un récit elliptique, toujours en mouvement, et sculpte ses plans, discrètement ornementés dans un mélange de fixité du cadre et de mouvement des corps, où l’on reconnaît aussi sa patte de photographe. La beauté du film tient à la constance de son regard, sachant dépasser l’exposé politique pour décrire le cours accidenté de la vie, des années qui passent, et ainsi l’y prolonger. Ses dernières images sont consacrées aux enfants, à ces filles qui devront un jour reprendre la lutte menée par leurs mères. Idée d’une continuité bouleversante, où réside peut-être le véritable sujet du film.
(D'après Mathieu Macheret • Le Monde)