Le jour des corneilles
Du 15/06/2016 au 15/06/2016
d’après le roman Le Jour des Corneilles de Jean-François Beauchemin
C’est un drôle de monde qui vit dans cette forêt… On y croise un homme aux allures de colosse qui pousse des hurlements d’ogre… et collé à ses baskets qu’il ne chausse pourtant pas, lui qui va pieds nus, un gamin à la tête de gros bébé qui le suit comme un petit chien, fidèle et dévoué. On y croise aussi d’étranges créatures qui ont tout de l’humain mais qui portent sur leurs épaules des têtes d’animaux… Bizare, bizarre… L’homme, c’est le papa, on ne le sait pas encore, mais il se nomme Courge. Le fils, c’est le sien, et il n’a pas de nom, enfin si, il s’appelle « Fils ».
Bienvenue dans l’univers poétique et drôle du Jour des corneilles, un film superbe à montrer à tous les mômes pour peu qu’ils aient au moins sept ans, et que tous les grands un peu curieux devraient aussi voir, parce qu’il touche nos cœurs d’enfant et parle avec simplicité d’une grande affaire avec laquelle les grandes personnes elles aussi doivent composer…
C’est donc un homme des bois et son enfant sauvage : pas de maison mais une cabane au cœur de la forêt, pas de supermarché mais la chasse au sanglier pour se rassasier, pas de balançoire mais les branches des arbres pour s’amuser. Père et fils vivent ainsi depuis la naissance du petit : une vie de famille un peu particulière où les tapes viriles dans le dos se pratiquent plus que les bisous. C’est que le Père n’est pas du genre rigolard… avec lui, c’est un peu l’esprit de la jungle qui règne en maître : être la proie ou le prédateur, celui qui mange ou celui qui est mangé ! Le Père Courge, c’est un mélange de Barbe Bleue, de Don Quichotte et du Papa Noël.
Tout aurait pu continuer dans la cabane au rythme des saisons si Père n’avait pas eu la mauvaise idée de faire une mauvaise chute, perdant en même temps la conscience et l’usage de ses jambes… Poussé par les étranges créatures mi-hommes mi-bêtes qui bien que muettes, semblent être animées d’un infini savoir, d’une infinie sagesse, le Fils décide de se rendre au bout du bout du bout de la forêt, à la limite de son monde, là où les arbres laissent place aux poteaux électriques, aux voitures pétaradantes, aux tuiles des maisons. C’est ici et seulement ici que l’on pourra guérir son papa, dans cet endroit interdit où il ne faut jamais aller.
Le petit sauvage, crotteux, morve au nez bien comme on aime quand on vit les fesses à l’air libre, sans personne derrière pour vous apprendre les bonnes manières, va rencontrer la civilisation en la personne d’une petite Manon, la fille du docteur… Une autre histoire va alors commencer, parce que le monde des hommes, agité, violent, criant, est aussi un monde où vit un drôle de truc, une chose étrange qui se niche dans un petit coin du corps, cachées à gauche sous les côtelettes : l’amour. Celui qu’un papa peut porter à son enfant, ou un homme à une femme.
C’en est trop ! Il faut absolument venir en famille… Parce que c’est toujours très drôle, piquant, rocambolesque et d’un rythme propre à captiver les enfants, mais aussi et surtout parce qu’avec une grande intelligence, c’est un film qui aborde des sujets qu’il est parfois difficile d’expliquer aux enfants : l’amour filial, l’amour amoureux, l’amour amical et puis la mort… Il y a quelque chose de Miyazaki dans cette manière de faire se croiser des mondes si différents, des énergies si contrastées… mais seulement « quelque chose » car le film a bel et bien son univers à lui… et c’est tant mieux !