LES ÂMES MORTES - PARTIE 3

SÉLECTION OFFICIELLE, SÉANCE SPÉCIALE • FESTIVAL DE CANNES 2018

« La vérité ne pouvait pas être anticommuniste », explique avec ironie l’un des hommes interrogés par Wang Bing sur la vaste purge menée par le Parti Communiste chinois à partir de 1957. Ces intellectuels, que le gouvernement considérait comme devant être « rééduqués » politiquement, furent déportés dans le glacial désert de Gobi au motif de s’y former au travail manuel et de construire une ville nouvelle dont l’agriculture collectiviste serait le nouvel horizon. L’estimation entre 550 000 et 1 300 000 déportés dans les camps de Jiabiangou et de Mingshui montre combien la vérité de ces faits reste, aujourd’hui encore, souterraine. Seuls 10% des détenus sont revenus de cette famine organisée par l’État : Wang Bing en a rencontré une centaine et présente une vingtaine de témoignages au cours desquels chacun se souvient des effets organiques que les privations et la fatigue ont produits sur leur corps. Hostile à toute intervention sur le réel qu’il filme, le réalisateur se livre ici – sans aucun cérémonial – à des entretiens dans lesquels la vie de tous les jours s’invite lorsqu’une épouse ou un enfant vient pointer sa tête dans le cadre...

L’ampleur du film – par son sujet comme par sa durée – est à la hauteur du temps que Wang Bing lui a consacré. Depuis 2005, il recherche les survivant-e-s pour enregistrer leur parole. Par l’accumulation de ces témoignages singuliers surgit le hors-champ absolu de l’œuvre du cinéaste : le point de vue officiel de l’histoire chinoise contemporaine sur ces événements laissés sous silence.

(D’après Raphaëlle Pireyre • critikat.com)