LES ANNÉES SUPER 8

QUINZAINE DES RÉALISATEURS • FESTIVAL DE CANNES 2022

Hiver 1972, Annie Ernaux et son mari achètent une caméra super 8. Pendant presque dix ans, Philippe Ernaux enregistre leur vie de famille à quatre avec leurs deux fils, Eric et David. Vers 2016, David ressort les films de leur boîte pour les montrer à ses enfants. Lui vient alors l’idée de faire un documentaire à partir de ce matériau. Il propose à sa mère d’écrire un texte qui accompagnera ces images muettes. Elle intervient en tant que femme et mère, mais aussi en tant qu'écrivaine en devenir : celle qui vient d'être honorée du prix Nobel de littérature y mentionne notamment son désir d’écriture et la manière dont elle consignait sa vie sur le journal qu'elle tenait alors.

En se concentrant sur les moments censés refléter le bonheur familial – ceux que l'on choisit de filmer : Noël, les anniversaires, les voyages... – le montage de ces morceaux de pellicule compose un recueil visuel à la portée intime et collective. Intime parce qu’il s’agit de fragments personnels. Collective parce que ces images, ancrées dans une époque, font écho aux expériences familiales de nombreuses générations et aux souvenirs nostalgiques qui s’y rattachent. Simultanément, la voix d’Annie Ernaux résonne comme un témoignage social et politique de son parcours de transfuge de classe. Ses mots laissent aussi entrevoir un sentiment qui l’habite fréquemment, notamment dans son couple : celui de ne pas être à sa place.

En formulant « ça a été, c’était nous » à la fin du film, elle fait référence à l’essai de Roland Barthes, La chambre claire, note sur la photographie. Filmer ou photographier les êtres chers, les objets qui habillent les espaces de vie, les paysages, n’est-ce pas un moyen universel de vaincre l’idée de la mort et du temps qui passe ? À la fois documentaire et œuvre littéraire à part entière, Les années super 8 constitue un précieux récit personnel et historique d’une période révolue.