LES SORCIÈRES DE L'ORIENT

Que peut la volonté ? Énormément, comme le prouve l’incroyable histoire des Sorcières d’Orient, un groupe d’ouvrières devenu la meilleure équipe de volleyball de tous les temps. Travailleuses à l’usine textile Nichibo d’Osaka, une poignée d'entre elles se retrouvent au gymnase après leur journée de labeur pour un entraînement acharné, jusque tard dans la nuit. Elles sont alors sélectionnées pour porter les couleurs du Japon à l’étranger. Les compétitions nationales et internationales s’enchaînent, elles entrent dans la légende avec 258 victoires consécutives entre 1960 et 1966, record absolu toujours inégalé.

La volonté n’explique cependant pas tout. Le documentaire de Julien Faraut restitue, par touches savamment distillées, les rapports de force alors en action. Le Japon, nation ruinée et humiliée pour sa participation à la seconde guerre mondiale, est en quête de résurrection : économique, bien-sûr, mais aussi morale. Cette recherche de rédemption, les Sorcières d’Orient vont l’incarner – au sens propre, dans leur corps modelé par et pour le volleyball – aux yeux de tous. Pour leurs compatriotes, en premier lieu, comme en témoigne l’extraordinaire engouement populaire que l’on retrouve dans les mangas et la musique. Pour le monde entier ensuite, avec l’avènement des diffusions télévisuelles par satellites concomitant à l’entrée du volleyball comme discipline olympique lors des Jeux de 1964 qui se déroulent... au Japon. Le nœud coulant de l’histoire se resserre impitoyablement sur ces dites « sorcières ».

Le réalisateur montre, avec brio et finesse – avec humour aussi et beaucoup d'inventivité – comment ces joueuses ont répondu aux enjeux écrasants qu’on leur soumettait. Parce qu’elles n’ont pas flanché, parce qu’elles ont accepté de tomber mille fois pour sauver le moindre point, parce qu’elles se sont toujours relevées tels les culbutos japonais, elles portent mieux que quiconque ces habits de sorcières dont nos sociétés affublent les femmes puissantes.