LOST HIGHWAY
Du 07/12/2022 au 26/12/2022
COPIE NUMÉRIQUE RESTAURÉE
Un bunker chic et silencieux assis sur les collines de Los Angeles. Fred, saxophoniste dépressif, et sa femme Renée, vénéneuse, reçoivent une cassette vidéo de la façade de leur maison. Puis une seconde, filmée depuis leur chambre, dans laquelle on les voit dormir. Puis une dernière, qui suggère, dans un déferlement de sang, que Fred aurait assassiné Renée...
Si Lost highway commence par une relecture formaliste du film noir hollywoodien, il n’emprunte ce chemin que pour mieux nous égarer dans sa seconde partie, bifurquer vers les rivages de l’inconscient. Crise identitaire d’un assassin schizophrène, délire d’un homme rongé par la culpabilité, variation sur l’obsession pour une femme fatale, la jalousie maladive, la mort d’un amour ? Si David Lynch a disséminé quelques indices nébuleux sur la genèse du film – il se serait inspiré de l’affaire O.J Simpson – on aurait tort de vouloir percer son secret cauchemardesque, au risque de déflorer son étrange beauté. Car le génie de Lynch est d’arriver à captiver le spectateur malgré l’opacité de son récit, de le prendre en otage par le vertige de la forme. À mesure que le sens du film se dérobe, sa toile esthétique se tisse et se précise, tirant vers l’abstraction totale ou, au contraire, vers des fulgurances figuratives. Par ces sortilèges visuels, cette façon de modeler la bizarrerie du quotidien en énergie morbide et sensuelle, le film ouvrait non seulement à son successeur Mulholland drive, mais aussi à tout un héritage thématique et visuel : Lost highway se pose comme une matrice inoubliable, un film-paradigme qui recèle autant les obsessions de son réalisateur que celles de son époque.
(D'après Léa André-Sarreau • troiscouleurs.fr)