MAUVAISES FILLES

La congrégation de Notre-Dame de Charité du Bon Pasteur est fondée à Angers en 1829, avec pour mission d’accueillir les jeunes femmes en détresse – celles que l’on qualifie de « filles perdues », de « filles-mères » ou encore de « mauvaises filles ». Implanté sur tout le territoire français, le Bon Pasteur jouera un rôle majeur au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, lorsque s’instaure en France la justice des mineurs. Les « mauvaises filles » sont alors envoyées dans ces établissements religieux afin de garantir leur bonne conduite et d’asseoir une domination sur les « déviantes ».

Nées en France entre 1927 et 1956, Édith, Michèle, Éveline et Fabienne ont été placées dans ces maisons de correction durant leur enfance et adolescence. Insoumises, rebelles, incomprises ou simplement mal-aimées, elles y ont vécu – comme tant d’autres femmes – des expériences traumatisantes. Aujourd’hui, portées par une incroyable force de vie, elles racontent leur histoire et révèlent le sort bouleversant qui leur était réservé jusqu’à la fin des années 1970. Face caméra, elles prennent la parole et se remémorent leurs années passées dans ces institutions. Leurs souvenirs nous apparaissent quasi intacts, comme si le temps et la mémoire ne pouvaient effacer les épreuves traversées. En parallèle, certains moments du film relèvent davantage d’une introspection silencieuse, faisant place à certains non-dits persistants : tout ne peut être exprimé, même si certains événements sont abordés ici pour la première fois. Avec justesse et humilité, Émérance Dubas signe un premier long-métrage documentaire bouleversant et révoltant sur une histoire collective encore taboue que nous nous devons d’entendre.