MISANTHROPE
Du 10/05/2023 au 06/06/2023
Ça commence très fort. Damián Szifron – dont on était sans nouvelles depuis le féroce film à sketches Les nouveaux sauvages – ouvre Misanthrope sur une note tapageuse et surexcitante. Un soir de Saint-Sylvestre, alors que les nantis de Baltimore sabrent le champagne sur les rooftops de la ville, un sniper invisible commence à tirer sur des gens au hasard. Szifron impose d’emblée un passionnant suspense « géométrique », jouant sur les perspectives, les lignes de fuite, les rotations dans l’axe, l’architecture urbaine, la sensation de vertige. En une poignée de minutes sans dialogue, seulement rythmées par les bruits de la fête, l’impact des balles et les cris de panique des quidams, un univers entier est formulé par la mise en scène : la solitude urbaine, les différentes strates sociales, une détresse existentielle diffuse…
L’enquête pour attraper le « mass murderer », constellée de séquences sous tension formellement époustouflantes, sera aussi le portrait croisé de deux flics : Shailene Woodley, en policière novice, et Ben Mendelsohn, super agent du FBI tiré à quatre épingles. Le vieux grigou et la « rookie » sont des archétypes rebattus, mais Szifron subvertit les clichés grâce à un scénario subtilement tricoté : le film fait d’abord mine de s’intéresser à elle, jeune flic aux idées noires encombrée par son passé, avant de laisser le récit être contaminé par lui, bulldozer inflexible en guerre permanente contre sa hiérarchie. Avec Misanthrope, Damián Szifron signe un thriller brillant, excitant, teinté d’humanisme et de critique sociale. Un pur plaisir de spectateur, enrichi par le talent du cinéaste pour raconter un monde, le nôtre, désespéré et brutal...
(D'après Frédéric Foubert • Première)