SHE SAID

Le 5 octobre 2017, un article du New York Times marquait le début de la fin pour Harvey Weinstein en révélant la stratégie utilisée par ce producteur hollywoodien pour couvrir trois décennies de harcèlement et de crimes sexuels : réduire ses victimes au silence grâce à de gros chèques et d’inextricables accords de confidentialité. Un système mis au jour par deux reporters, Jodi Kantor et Megan Twohey, dont l’enquête nourrit le remarquable scénario de She said. L’essentiel de l’action consiste ainsi à passer des coups de fil, prendre des notes, discuter autour d’une table ou frapper à des portes qui, souvent, restent closes. Entre drame sensible et thriller à cuisson lente, She said renouvelle ces passages obligés en les conjuguant au féminin pluriel.

Que l’investigation soit menée par deux femmes n’a rien d'anodin. Le film entremêle en permanence le professionnel et le privé. Les journalistes forment un tandem dans lequel complicité rime avec intimité : Jodi manque d’assurance, Megan affronte une dépression post-partum, l’une et l’autre vont s’épauler – et l’on jurerait que leurs interprètes, si subtiles et justes, en ont fait autant. Au cœur de She said, il y a surtout la parole de femmes qui ont eu le malheur de croiser Harvey Weinstein. Une parole longtemps ignorée ou interdite, d’autant plus puissante que le film maintient le terrifiant producteur dans l’ombre pour braquer la lumière sur celles dont il a brisé la carrière. Parmi les choix inspirés de la mise en scène, celui de poser le récit des agressions sur des natures mortes (des vêtements au sol, un peignoir blanc sur un lit, des couloirs d’hôtels déserts...) fait forte impression...

(D'après Marie Sauvion • Télérama)